Ce soir là était la soirée de Killian. Comment expliquer? Depuis qu’il avait commencé sa nouvelle année d’études, il ne s’était pas pris une soirée complète pour se détendre. Enfin, si, bien entendu, cela lui était déjà arrivé. Sortie ciné le soir, lie un bon bouquin au plumard ou encore soirée DVD entre potes. Non, on entendait là qu’il n’était toujours pas allé faire une petite excursion du côté de ces « commerces » ouvrant jusque tard la nuit, et donc explicitement, les bars et boites de nuit. Délaissant ces dernières à cause de leur musique trop forte et de leur atmosphère trop… particulière, il se dirigea donc vers le bar de la ville, celui où pratiquement tout le monde allait. C’était peut-être le moment de faire de nouvelles rencontres, et pourquoi pas d’intégrer de nouveaux amis dans sa bande de tarés. Enfin, bref. Il devait être huit heures et demi quand il sortit, selon sa montre. Quoique celle-ci devait sans doute avancer d’un quart d’heure.
Le jeune homme arriva donc dans ce bâtiment tant réputé quant à vendre ses boissons à tout le monde, même des gamins, mais surtout à des alcoolos. En effet, c’était certainement la principale clientèle. Une personne sur deux ou même deux personnes sur trois passait sa soirée, enfin ses soirées à vider les réserves d’alcool du gérant. Génial. McAdam prenait garde à ne pas côtoyer ce genre de types. En fait, il était aisé de les reconnaître. Le regard dans le vide, les propos insensés, les paroles inaudibles, la voix comme embourbée dans quelque chose, ou encore l’haleine puant le whisky ou autre. On a l’habitude de présenter tous les hommes quinquagénaire et barbus comme des dépendants aux boissons alcoolisées. Ironie du sort, dans ce bar, c’était des adolescents ou de jeunes adultes qui remportaient la palme. Pas franchement génial. La jeunesse décadente, c’Est-ce qu’aurait dit les vieilles du coin, et pour une fois, elles auraient vu vrai.
L’étudiant se posa une question importante pour lui, presque existentielle, et qui ne l’était pas en réalité. Pourquoi avait-il mis un sweet plutôt qu’un tee-shirt? Le CO2 que dégageait toute cette chaleur humaine étouffait l’atmosphère. Lui qui en plus, avait chaud plutôt facilement, il était servi. Il s’installa donc là où il y avait le plus de saoulards selon lui, mais là où il faisait le plus frais. Le comptoir. Qui disait qu’on ne fait pas toujours des choix dans sa vie? Si Killian s’en souvenait, il lui foutrait une paire de baffes. Il détestait ces tabourets inconfortables, quoiqu’il jouait s’y amuser assis dessus et en les faisant tourner. Enfin, difficile de ne pas avoir honte avec tout ce monde. C’est pourquoi il s’abstint de le faire, ou pour le moment, du moins. Qu’allait-il donc commander? Boisson alcoolisée? Non, il avait envie de rire un peu. De voir la tête frustrée du serveur. Parce que oui, il n’avait pas encore sorti ce genre de boissons que l’on sert aux gamins et communément appelées diabolos. Il allait prendre un diabolo. C’était plus sein et plus rafraîchissant que de l’alcool. Le serveur, contrairement à ce qu’il pensait, lui afficha un grand sourire quand il passa commande. L’arroseur arrosé donc, puisque ce fut Killian qui eut une moue… dépitée. Un gosse, encore et toujours. On se demandait parfois s’il avait réellement 21 ans.
Il tourna sa tête vers la droite et tomba nez à nez avec un saoulard. Celui-ci avait l’œil brillant et il le dévisageait. Normal, il devait être en train de se demander si ce qu’il avait devant lui était bien humain. S’il s’agissait d’un homme ou d’une femme. Évidemment quand on a plus les pensée lucides, on voit tout et n’importe quoi. En revanche, aussi impressionnant que cela puisse être, il reconnu immédiatement que le diabolo de Killian -que le serveur lui apporta entre temps- n’était pas de l’acool… mais bien un diabolo. C’est pourquoi il détourna la tête, replongeant son nez dans sa chope.
A gauche de Killian, ce n’était pas un alcoolo qui était assis. C’était une jeune blonde, genre une étudiante. Elle n’avait pas l’air d’être bourrée non plus. En fait, plutôt que de vider son verre d’une traite, elle aspirait le liquide avec la paille. Quoiqu’il serait plus juste de dire qu’elle mordillait, ou même mordait carrément la paille. Un petit sourire se dessina sur les lèvres du jeune blond.
-Et bien, je n’aimerai pas être à la place de cette pauvre paille. Vous vous ennuyez?